Les intelligences multiples chez l’enfant : comment les repérer et les stimuler ?

Connue depuis les années 80, la théorie des intelligences multiples d’Howard Gardner offre un regard différent sur les capacités des enfants. Psychologue du développement, il identifie 8 types d’intelligences qui sont autant de portes d’entrée dans les apprentissages. Même si tous les spécialistes ne sont pas d’accord avec sa théorie, celle-ci a le mérite de renouveler les approches pédagogiques. Enseignants et parents disposent ainsi de pistes nouvelles pour accompagner les enfants dans leur découverte du monde et dans l’acquisition de connaissances et compétences. Quels sont les différents types d’intelligence, comment les mobiliser dans les apprentissages et comment aider les enfants à les utiliser efficacement ? Explorons ensemble toute la richesse de l’intelligence humaine !

Quels sont les différents types d’intelligence selon Howard Gardner ?

La théorie des intelligences multiples a été formulée au début des années 1980 par le psychologue américain Howard Gardner, professeur à l’Université de Harvard. Contrairement à l’idée répandue selon laquelle l’intelligence se mesure uniquement par le QI ou la réussite scolaire, Gardner propose une vision plus large et plus complète. Selon lui, chaque individu dispose de plusieurs formes d’intelligence, plus ou moins développées selon son histoire, son environnement et ses expériences.

Cette approche a profondément marqué la pédagogie moderne, car elle permet de valoriser des talents souvent invisibles à l’école traditionnelle. Un enfant qui peine en mathématiques n’est pas « moins intelligent » qu’un autre : il peut simplement exceller dans d’autres domaines. Et surtout, il peut sans doute acquérir les mêmes compétences que ses camarades si on lui propose des activités correspondant à son profil. Ainsi, un pédagogue attentif conçoit des exercices adaptés à ses élèves, pour les placer tous en situation de réussite.

Les huit formes d’intelligence identifiées

Howard Gardner distingue initialement sept types d’intelligence dans son célèbre ouvrage Frames of Mind : The Theory of Multiple Intelligences (Les formes de l’intelligence traduit et édité en 1997 par les Éditions Odile Jacob). Ses recherches ultérieures le poussent à ajouter une huitième forme d’intelligence.

« Pour Gardner, l’intelligence n’est pas une capacité unique, générale et quantitativement mesurable, mais une multiplicité de potentiels biopsychologiques qui comportent la capacité à s’exprimer par des systèmes symboliques — conçus comme des véhicules de pensée — et à résoudre des problèmes ou à produire des biens ayant une valeur dans un contexte culturel ou collectif précis. » (Britt-Mari Barth).

Il parvient à identifier la coexistence de :

• L’intelligence logico-mathématique : capacité de raisonnement, de calcul, de logique. Elle se manifeste par le goût pour les chiffres, les énigmes ou les expériences scientifiques.
• L’intelligence langagière : aisance avec les mots, goût pour la lecture, l’écriture, les histoires.
• L’intelligence musicale : sensibilité particulière aux sons, au rythme et aux mélodies.
• L’intelligence kinesthésique (corporelle) : faculté d’apprendre en bougeant, aisance dans le sport, la danse ou le théâtre.
• L’intelligence spatiale-visuelle : capacité à se représenter des formes, des espaces, à imaginer en trois dimensions (dessin, construction, orientation).
• L’intelligence interpersonnelle : empathie, facilité à comprendre et interagir avec les autres.
• L’intelligence intrapersonnelle : connaissance de soi, capacité à réfléchir sur ses émotions, ses envies, ses limites.
• L’intelligence naturaliste : sens de l’observation, intérêt pour la nature, les animaux, l’environnement.

Chaque enfant possède ces intelligences, mais elles ne s’expriment pas toutes au même degré.

Peut-on avoir plusieurs intelligences ?

La réponse est oui ! Aucun enfant n’utilise qu’une seule forme d’intelligence. Il ne faut surtout pas cataloguer un enfant dans une forme d’intelligence ou une autre, car cela risquerait de limiter ses capacités. L’objectif est plutôt de discerner lesquelles prédominent pour l’aider à s’en servir au mieux pour apprendre. Chaque enfant possède un profil unique, avec certaines intelligences dominantes et d’autres moins développées. Ce profil évolue avec le temps : un enfant passionné par les animaux peut, en grandissant, découvrir une appétence pour les sciences ou la musique.

C’est pourquoi il est essentiel pour les parents et les enseignants d’encourager la diversité des expériences : plus un enfant explore différents domaines, plus il a de chances de développer ses différentes formes d’intelligence.

Zoom sur l’intelligence émotionnelle chez l’enfant

Bien qu’elle ne fasse pas partie des huit intelligences définies par Gardner, l’intelligence émotionnelle est aujourd’hui reconnue comme essentielle dans le développement de l’enfant. Elle a été théorisée par le psychologue américain et enseignant à Harvard, Daniel Goleman qui retient 5 composantes de l’intelligence émotionnelle :

• La conscience de soi.
• L’autorégulation.
• La motivation.
• L’empathie.
• Les compétences sociales

D’une manière générale, la théorie de l’intelligence émotionnelle désigne la capacité à identifier, comprendre et gérer ses émotions tout en tenant compte de celles des autres. Elle complète les théories de l’intelligence intrapersonnelle (conscience de soi) et interpersonnelle (relation à autrui) de Gardner.

Chez l’enfant, elle se traduit par des compétences comme :

• Savoir mettre des mots sur ce qu’il ressent,
• Réguler sa frustration,
• Exprimer ses besoins de façon adaptée,
• Coopérer et faire preuve d’empathie.

Comment repérer les différentes intelligences d’un enfant ?

Chaque enfant exprime son intelligence de manière singulière. Lorsque vous observez votre enfant au quotidien, en vacances, dans des lieux et activités différentes, vous pouvez relever certaines constantes. Les enfants qui analysent, rationalisent, classent, trient ont sans doute une intelligence logico-mathématique dominante. C’est aussi cette forme d’intelligence qui est la plus sollicitée à l’école, notamment à travers les mathématiques et la résolution de problèmes. L’intelligence linguistique accompagne également la plupart des apprentissages scolaires. À vous de repérer en dehors de l’école si votre enfant présente des aptitudes dans d’autres domaines.

En évaluant les types d’intelligences que votre enfant mobilise préférentiellement, vous comprenez mieux son fonctionnement et pouvez lui proposer des activités adaptées à ses besoins réels.

Signes et indices dans la vie quotidienne

Il n’est pas nécessaire d’attendre un test formel pour observer les premières manifestations. Les indices apparaissent souvent dans les jeux et activités spontanées de l’enfant :

• un enfant qui aime résoudre des casse-têtes ou démonter ses jouets peut témoigner d’une intelligence logico-mathématique marquée ;
• celui qui passe des heures à chanter ou à reconnaître les musiques de dessins animés convoque son intelligence musicale ;
• un petit passionné de nature, qui collectionne des cailloux ou observe longuement les insectes, exprime une intelligence naturaliste ;
• celui qui a besoin de bouger pour apprendre sa poésie, qui est actif et agile au parc montre alors son intelligence kinesthésique ;
• l’enfant qui console ses camarades ou qui sait adapter ses mots selon la personne à qui il s’adresse manifeste une intelligence interpersonnelle.
• …

L’important est de rester attentif aux situations où l’enfant prend du plaisir et persévère sans effort : ce sont souvent les révélateurs de ses intelligences dominantes.

Tests et questionnaires d’intelligences multiples

Il existe également des tests d’intelligences multiples pour enfants, inspirés des travaux de Howard Gardner. Ces questionnaires, souvent proposés par des psychologues ou disponibles dans des ouvrages pédagogiques, aident à dresser un profil global. Ils ne mesurent pas « un niveau » comme le ferait un QI, mais mettent en évidence les préférences et facilités naturelles de l’enfant.

En France, certains bilans psychopédagogiques intègrent cette approche pour aider les familles et les enseignants à mieux cibler les stratégies d’apprentissage. Toutefois, il est essentiel de rappeler que ces tests sont des outils de repérage et non des verdicts définitifs. L’enfant évolue et peut développer d’autres intelligences au fil de ses expériences et de ses stimulations.

Stimuler les intelligences multiples à la maison et à l’école

Une fois que les parents ont identifié les points forts de leur enfant, la question suivante se pose : comment les nourrir au quotidien ? Selon la théorie de Howard Gardner, aucune intelligence n’est figée. Chacune peut être encouragée par des activités adaptées, dans un cadre bienveillant, que ce soit à la maison ou à l’école. En outre, si l’on peut s’appuyer sur les facilités de l’enfant pour le mettre en réussite, on a aussi intérêt à l’aider à développer ses autres formes d’intelligence. Le but est de l’accompagner vers la polyvalence afin qu’il puisse disposer de toute la palette des formes d’intelligence. Il pourra ainsi convoquer celle qui sera la plus efficace pour la tâche qu’il souhaite accomplir.

La pédagogie différenciée au quotidien

À la maison comme en classe, il est possible d’utiliser des stratégies différentes pour atteindre un même objectif d’apprentissage. Par exemple, pour mémoriser une poésie ou ses tables, l’enfant pourra s’appuyer sur une mélodie, un rythme (intelligence musicale), ou encore effectuer des gestes, des mouvements (intelligence corporelle), ou encore aménager son environnement (intelligence naturaliste) ou recourir à des outils visuels, comme le dessin ou la carte mentale (intelligence spatiale). De fait, cette pédagogie différenciée valorise les forces naturelles de l’enfant et rend les apprentissages plus accessibles et motivants.

Activités et jeux pour développer toutes les intelligences

De nombreuses activités simples permettent de stimuler les intelligences multiples au quotidien :

• Logico-mathématique : puzzles, jeux de société (notamment jeux de stratégie), casse-têtes, smart games, expériences scientifiques, jeux mathématiques.
• Linguistique : lecture à voix haute, invention d’histoires, jeux de mots, jeux de société comme Dixit, contes à la carte, Vocabulion, Le Lynx qui sollicitent le vocabulaire.
• Musicale : écouter de la musique, jouer d’un instrument, créer des rythmes.
• Corporelle-kinesthésique : danse, sport, théâtre d’improvisation.
• Spatiale-visuelle : dessin, construction (Lego®, Kapla®), maquettes.
• Interpersonnelle : jeux coopératifs, discussions en famille, activités en groupe.
• Intrapersonnelle : tenir un journal intime, exercices de relaxation, temps calmes, méditation.
• Naturaliste : jardinage, observation d’animaux et de minéraux, sorties en plein air, podcasts animaliers, tenue d’un herbier ou d’un carnet de naturaliste.

Ces activités n’ont pas besoin d’être coûteuses ou sophistiquées : l’essentiel est de varier les expériences et d’observer comment l’enfant s’y engage.

Le rôle de l’école et de la pédagogie différenciée pour valoriser les intelligences multiples

L’Éducation nationale française ne reconnaît pas officiellement la théorie des intelligences multiples. Toutefois, elle inspire de nombreux enseignants, notamment dans les pédagogies alternatives (Montessori, Freinet, pédagogie par projet, ludopédagogie). Certaines écoles mettent en place des activités interdisciplinaires (exposés, projets artistiques, ateliers de coopération) qui permettent aux enfants de mobiliser différentes intelligences.

Pour les parents, l’important est de dialoguer avec les enseignants afin de valoriser les points forts de l’enfant et de trouver ensemble des solutions si certaines disciplines posent difficulté. Bien souvent, les enseignants proposent des aides visuelles en classe : affiches, fiches mémo, cartes mentales, etc. pour inciter les enfants à utiliser leur mémoire visuelle. La fonction auditive est également largement mobilisée lors de temps d’écoute musicale ou d’histoires audio. Ce recours majeur au visuel et à l’audio entérine le constat scientifique de prédominance de la mémoire visuelle sur les autres formes de mémoire. « D’après une étude de l’université du Québec2 à Montréal nous apprenons 1% par le goût, 1,5% par le toucher, 3,5% par l’odorat, 11% par l’ouïe et 83% par la vision. » (Éduscol)

Favoriser l’intelligence émotionnelle

Les parents peuvent la stimuler par de petites pratiques simples :

• utiliser un panneau des émotions avec des visages expressifs,
• lire des histoires et discuter des sentiments des personnages,
• proposer des jeux de rôle pour apprendre à se mettre à la place d’autrui,
• encourager le dialogue plutôt que la sanction immédiate lors des conflits.

Ces exercices contribuent à une meilleure régulation affective, à la confiance en soi et à la qualité des relations sociales, autant de clés pour le bien-être et la réussite future de l’enfant.

Mon enfant est “bon” ailleurs que dans les matières scolaires : est-ce normal ?

Beaucoup de parents s’interrogent lorsqu’ils constatent que leur enfant s’épanouit dans certaines activités — musique, sport, dessin, théâtre — mais rencontre des difficultés dans les apprentissages traditionnels comme les mathématiques ou la lecture. Cette situation est en réalité fréquente et correspond à ce que la théorie des intelligences multiples nous enseigne : l’intelligence d’un enfant ne se résume pas à sa réussite scolaire.

Un regard trop centré sur l’école

Dans notre système éducatif, les compétences valorisées sont principalement logico-mathématiques et linguistiques. Les autres formes d’intelligence (corporelle, musicale, émotionnelle, créative) restent moins visibles, alors qu’elles sont tout aussi importantes pour la construction personnelle et sociale de l’enfant. Un élève qui n’excelle pas en classe peut donc être brillant dans d’autres domaines, simplement moins valorisés dans l’environnement scolaire.

La richesse des intelligences multiples

Être passionné de musique, savoir coopérer avec les autres, exceller en sport ou avoir une forte sensibilité artistique sont autant de forces qui construisent la confiance en soi et préparent l’enfant à sa vie d’adulte. Ces intelligences extra-scolaires développent des compétences recherchées : créativité, persévérance, empathie, capacité à travailler en équipe.

Toutefois il faut bien reconnaître que les compétences extra-scolaires des enfants sont malheureusement peu mises en valeur. On a toujours tendance, parent comme enseignant, à hiérarchiser les aptitudes. Et si le talent est reconnu ce sera toujours en supplément de sa performance scolaire. Il pratique brillamment d’un instrument et a de bons résultats en maths. Il est champion de hockey sur glace et maîtrise l’orthographe… Compte tenu de la pression qui pèse sur la performance scolaire – perçue comme vecteur de réussite professionnelle – il semble peu probable que l’intelligence logico-mathématique soit supplantée par une autre forme d’intelligence dans l’opinion publique.

En revanche, nous pouvons procéder à un rééquilibrage en reconnaissant les autres formes d’intelligence et en les valorisant au même titre que les autres. Quand un enfant exprime un potentiel extra-scolaire, il a besoin d’être reconnu et encouragé pour être utile et permettre à l’enfant de s’appuyer sur lui pour progresser et persévérer dans d’autres domaines. En reconnaissant la multiplicité et variété de ses aptitudes, on contribue au développement de sa confiance en soi, pilier des apprentissages. Et étape essentielle à l’acceptation et à la construction de soi. N’oublions pas que nos enfants grandissent constamment, gagnent en maturité et en habilité, acquièrent de nouvelles connaissances chaque jour. Il faut se départir d’une vision statique : l’enfant nait avec un champ de possibles qu’il explore et qu’il maîtrise à son rythme. Ses différentes formes d’intelligence ne réclament qu’à se développer !

Le rôle des parents : valoriser sans comparer

Pour aider l’enfant, il est essentiel de reconnaitre ses points forts en évitant les comparaisons au sein de la fratrie et dans la classe. Peut-être aura-t-il moins de facilité que son aîné à faire des opérations. Cela ne préjuge en rien de son avenir et quelques années plus tard, la maturité et la confiance aidant, il effectuera sans problème des exercices de maths plus complexes. En encourageant son enfant et en cultivant ses passions (cours de musique, sport, ateliers créatifs), vous renforcez son estime personnelle, excellent prédicteur de réussite scolaire ! Apprendre nécessite de la persévérance et de la motivation. Si l’enfant ne croit pas en ses propres capacités, il se condamne involontairement à l’échec.

Peut-on développer une intelligence “non dominante” chez un enfant ?

La théorie des intelligences multiples repose sur une idée forte : chaque enfant dispose de huit formes d’intelligence, mais elles ne sont pas toutes développées au même degré. Certains domaines apparaissent très tôt et très naturellement, tandis que d’autres semblent plus fragiles. La bonne nouvelle, selon Howard Gardner et de nombreux pédagogues, est qu’aucune intelligence n’est figée : toutes peuvent progresser avec l’entraînement et la stimulation.

Une intelligence n’est jamais absente

Un enfant qui ne manifeste pas d’intérêt particulier pour les sciences ou les mathématiques n’est pas « dépourvu » d’intelligence logico-mathématique. Il peut simplement avoir besoin d’un autre point d’entrée : manipuler, expérimenter, utiliser des exemples concrets plutôt que des abstractions. De même, un enfant réservé peut sembler « faible » en intelligence interpersonnelle, mais développer cette compétence en étant placé dans des situations de coopération bienveillante.

Le rôle de la plasticité cérébrale

Les neurosciences confirment que le cerveau de l’enfant est extrêmement malléable. Grâce à la plasticité cérébrale, les connexions neuronales se renforcent quand l’enfant pratique une activité régulièrement. Autrement dit, une intelligence peu utilisée peut être entraînée et stimulée : un enfant qui n’aime pas lire peut apprendre à apprécier les histoires grâce aux livres audio, aux lectures partagées ou à la mise en scène théâtrale.

Valoriser les forces pour soutenir les fragilités

Il ne s’agit pas de transformer un domaine « faible » en domaine d’excellence, mais de donner à l’enfant assez d’outils pour qu’il puisse progresser sans se décourager. L’approche la plus efficace consiste à partir de ses intelligences dominantes pour l’amener vers celles qui sont moins développées. Par exemple, un enfant passionné de musique (intelligence musicale) pourra mémoriser une leçon d’histoire en la mettant en chanson, et ainsi renforcer son intelligence linguistique.

La théorie des intelligences multiples de Howard Gardner rappelle que chaque enfant possède un profil unique, fait de forces dominantes et de zones à développer, et qu’aucune intelligence n’est figée. En proposant des activités variées et adaptées, vous pouvez stimuler l’éveil de votre enfant et l’aider à progresser même dans ses domaines plus fragiles.

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