Enseignante, blogueuse éducation et passionnée de littérature jeunesse, Lauriane a pour leitmotiv la pédagogie active, notamment par le théâtre, et la lecture pour tous. Retrouver tous ses articles
Dès le plus jeune âge, les enfants interrogent parents et éducateurs sur le monde qui les entoure. Leur curiosité les pousse souvent à vouloir connaitre l’origine, les causes de ce qu’ils observent au quotidien. Et leurs questions démarrent fréquemment par « pourquoi ». Pourquoi il pleut ? Pourquoi le monsieur porte une casquette et la dame une canne ? Chaque détail incongru ou qui déroge au monde connu et proche de l’enfant suscite une interrogation. De même, le « pourquoi » vient aussi remettre en question les règles et les interdits. Alors comment faire face sans perdre patience ? Et comment profiter de la curiosité enfantine pour en faire des situations d’apprentissage ? Voici cinq points à prendre en compte pour aborder sereinement la période du pourquoi chez les enfants.
De l’importance de répondre aux questions des enfants…
En répondant à la curiosité naturelle de l’enfant, les parents soutiennent leur développement cognitif et linguistique.
En quoi consiste la période du pourquoi ?
Vers l’âge de 3 ans et parfois dès 2 ans, l’enfant développe ses capacités langagières. Son vocabulaire s’enrichit chaque jour de plusieurs mots et il tient des conversations de plus en plus soutenues. Avec la vie en collectivité, à la crèche puis à l’école maternelle, il découvre de manière plus étendue le monde qui l’entoure. Il tisse des liens avec des camarades et adapte son comportement aux différents adultes qu’il fréquente, le maître ou la maîtresse, les animateurs etc. La richesse des échanges et des stimulations motrices et intellectuelles favorise d’autant plus sa curiosité.
Ainsi, l’enfant veut tout savoir sur tout. Il interroge le ciel et la terre, la présence des astres et les insectes cachés dans les sous-bois. Il veut comprendre pourquoi le feu est rouge et pourquoi le voisin se déplace sur un fauteuil roulant. Le monde physique est source d’interrogation, mais pas seulement. Les enfants expérimentent très jeunes les questions existentielles qui ont trait à la vie, à la mort. Pourquoi on vit, pourquoi on meurt ? De même, des questions jugées délicates par les parents affleurent : Pourquoi vous avez fait un nouveau bébé ? Pourquoi j’ai un zizi ? Pourquoi mamie a-t-elle été cambriolée ? Derrière ces questions, les enfants interrogent la justice, la sexualité, la religion, la violence…
À mesure que les enfants grandissent, leurs questions soulèvent des préoccupations philosophiques et morales auxquelles il devient de plus en plus difficile de répondre simplement. Évidemment on ne répondra pas de la même manière à un enfant de 3 ans qu’à un enfant de 5 ans. Et au-delà de cet âge, les enfants ont compris que la plupart des questions qui démarrent par « pourquoi » n’ont pas de réponse unique. Il devient alors plus pertinent de privilégier les questions qui débutent par « comment ». Par exemple, il est plus facile d’expliquer comment la vie s’est développée sur Terre plutôt que de répondre à la question « pourquoi la vie est apparue sur Terre ? ».
Rôle de la période du pourquoi dans le développement de l’enfant
Tous les enfants n’adressent pas de questions aux adultes, mais la grande majorité s’en pose. Cependant, les questions qui démarrent par « pourquoi » ne trouvent bien souvent pas de réponse dans la réalité. Pourquoi les étoiles brillent dans le ciel ? Ou encore, pourquoi la mer avance et recule lors des marées ? La réponse ne viendra pas en restant planté sur la plage ! Heureusement, les adultes sont là pour apporter des explications scientifiques… même si finalement la question « pourquoi » est, dans le fond, insoluble ! Ainsi, on peut expliciter un processus naturel, mais pas sa motivation intrinsèque qui ressort plutôt de la métaphysique. Le « pourquoi » a donc ses limites. Le train est en retard pour cause de rupture de caténaire, mais qui saurait dire pourquoi cette installation a défailli alors que d’autres soumises aux mêmes conditions non ?
Toutefois, il est important de répondre aux questions des enfants… même les plus farfelues, même les plus complexes. L’enfant a besoin de savoir que ses parents sont capables de comprendre leurs questionnements et d’y répondre dans leur grande majorité. Cela contribue à forger leur sentiment de sécurité et leur permet de continuer à grandir en se posant de nouvelles questions.
Cela ne signifie pas qu’il faille tout savoir sur tout. Au contraire, se renseigner, effectuer une recherche pour trouver une réponse montrent à l’enfant comment s’informer et comment enrichir ses connaissances. En tant que modèle, le parent met en valeur la curiosité et la soif d’apprendre. On peut s’appuyer sur des livres documentaires, des dictionnaires et des encyclopédies mais aussi des ressources en ligne adaptées aux enfants.
Combler la soif de connaissance d’un enfant
Lorsque l’enfant grandit, il a besoin d’acquérir des connaissances de plus en plus précises sur le monde qui l’entoure. Sa curiosité le pousse à s’interroger sur le fonctionnement des objets : l’interrupteur, la télécommande, la cuisson des repas… Mais il a aussi besoin de comprendre les émotions et comportements des membres de sa famille et de ses camarades.
Or, il n’est pas toujours facile de démêler les sentiments des uns et des autres ou de se prononcer sur les motifs profonds d’une personne. L’enfant pourra demander pourquoi un bébé pleure ou pourquoi un monsieur a crié sur son chien. Dans ces cas-là, nous répondrons sur un mode hypothétique. Peut-être le bébé a-t-il faim ou est fatigué ? Le monsieur peut avoir eu peur que son chien ne se blesse… Il ne s’agit pas d’avoir réponse à tout, mais plutôt de montrer comment on raisonne à partir de schémas situationnels classiques. En proposant une réponse logique à son enfant, on l’incite également à développer son propre raisonnement déductif.
Avec l’aide de ses parents, l’enfant accède à une somme de connaissances adaptées à ses capacités de compréhension. Grâce à cet apprentissage précoce, l’enfant mémorise de nouveaux mots et concepts. En outre, il peut compter sur son parent pour en savoir davantage, s’il le désire. Cette dynamique favorise la confiance en soi et l’envie de progresser, deux facteurs importants pour la réussite personnelle et scolaire.
Adapter ses réponses en fonction de l’âge de l’enfant
Les réponses aux questions d’enfants varient en fonction de leur âge, de leur maturité et de leur sensibilité.
De fait, les capacités d’attention des enfants se limitent à quelques minutes vers l’âge de deux ans à 10 minutes vers 5/6 ans. On ne parle pas d’un dessin-animé ou d’un jeu mais bien d’une conversation autour d’un sujet précis. Plus il est jeune, plus l’enfant pose des questions spontanées au gré de ses observations : pourquoi il pleut ? pourquoi les feuilles tombent ? Puis progressivement, il aborde des questions plus abstraites, impliquant souvent la vie, la mort, l’intimité. Pour savoir si on a suffisamment répondu à son enfant, il faut observer ses réactions. S’il retourne jouer ou change de sujet de conversation, c’est que la réponse a comblé ses attentes. Ainsi, bien souvent quelques mots suffisent pour les plus jeunes, les plus grands n’en demandant pas forcément beaucoup plus.
Cependant, si l’enfant continue de poser la même question, c’est que la réponse est incomplète ou peu crédible. Vous pouvez alors la formuler différemment ou donner des exemples qui sont souvent plus parlants pour l’enfant. La règle d’or reste la simplicité. Quand un sujet est délicat, il faut tenter de trouver des mots que l’enfant comprend pour l’amener à s’approprier la réponse.
Par exemple, inutile de vous lancer dans un cours d’astrophysique pour expliquer les phases de la Lune. Un jeune enfant a besoin de savoir qu’elle ne disparait pas et demeure une boule dont, sur Terre, nous ne voyons pas toujours l’entièreté. Par temps clair vous pouvez d’ailleurs lui montrer qu’elle est visible de jour et que, de nuit, on perçoit le contour de la partie non éclairée. En prenant de l’âge, l’enfant pourra expérimenter lui-même le trinôme Lune/Terre/Soleil à l’aide de ballons et d’une lampe. Rien de telle que la manipulation pour comprendre un phénomène physique !
Transformer les « pourquoi » en opportunités d’apprentissage
Tout comme les programmes de l’Éducation nationale prévoient une progressivité dans les apprentissages, les réponses aux « pourquoi » des enfants nécessitent des réponses adaptées. Voici quelques exemples concrets pour leur parler de la mort ou enrichir leur connaissance du monde.
Accompagner le deuil
À mesure que l’enfant grandit, il obtient davantage de détails et de nuances de la part de ses parents. Les apprentissages se consolident bloc par bloc, étape par étape. Prenons pour exemple, les questions liées à la mort. Très tôt l’enfant est confronté à cette question existentielle, que ce soit à l’occasion d’un décès dans la famille ou de la mort d’un animal. S’il est déconseillé d’éluder cette question en évoquant un voyage, un départ ou un sommeil éternel, tous les détails ne sont pas forcément utiles.
À la question « Pourquoi papy est mort ? « , voici un exemple de progressivité de réponses en fonction de l’âge :
- vers 2 ans : Papy était vieux.
- 3 ans : Papy était vieux, sa vie est finie.
- 4 ans : Papy était âgé et fatigué. Au bout d’un long moment, la vie s’arrête.
- 5 ans : Papy avait déjà 90 ans ! Ça fait déjà beaucoup d’années et il était très fatigué et un peu malade aussi. Son corps ne pouvait plus fonctionner, il s’est arrêté de respirer et ça a provoqué sa mort.
Élargir ses connaissances du monde
La plupart des questions d’enfants concernent les phénomènes naturels et les animaux. Ils s’interrogent aussi sur le fonctionnement de la société humaine et des machines. Généralement, l’Histoire et la géographie, plus abstraits, les intéressent plutôt vers 9/12 ans. De fait, chaque question, quel que soit son domaine, est une occasion d’élargir ses connaissances. Et parfois celles des parents aussi, quand il faut aller chercher une information manquante. Quelle joie de voir son enfant réclamer à élargir son savoir ! Cela crée une dynamique éducative et renforce la communication parent-enfant, fondée alors sur cette quête commune de connaissances.
Ainsi, lorsque l’enfant est demandeur, parents et éducateurs peuvent compléter leurs réponses de diverses manières :
- sorties culturelles (musées, châteaux, parcs…),
- vidéos documentaires,
- livres et cahiers d’activités,
- podcasts (Mes p’tits docs, Bestioles, Les Odyssées…),
- expériences et ateliers scientifiques,
- jeux et équipements adaptés : microscope, télescope, …
L’ensemble de ces solutions sollicite tous les sens et divers modes de raisonnement (logique, analogique, empirique…) et favorise l’épanouissement de l’enfant.
Encourager la curiosité tout en fixant des limites
Cependant, il arrive que l’enfant pose constamment des questions, sans toujours écouter les réponses. Les parents ont alors l’impression que les fameux « pourquoi » deviennent une mécanique destinée à tester les limites. En effet, l’enfant comprend que ses parents admirent sa curiosité et sa soif de connaissances. Il peut donc utiliser le questionnement pour tenter d’attirer leur attention ou différer son obéissance aux règles.
Apprendre à l’enfant à poser ses questions au bon moment
Cela peut se manifester de manière directe ou indirecte. C’est le cas par exemple lorsque l’enfant bombarde de questions passionnantes ses parents pile à l’heure du coucher. Quoi de mieux pour retarder le moment de la séparation de la nuit que de demander aux parents pourquoi les animaux ont une queue ou pourquoi le pain a une croûte et est blanc à l’intérieur ? De même, lorsque les parents sont occupés, qu’ils sont au téléphone ou travaillent à la maison, les enfants enchainent les questions sans attendre les réponses. Une manière pour eux de montrer qu’ils s’ennuient et cherchent une occupation.
Pas évident alors de conjuguer encouragement à la curiosité et respect des limites. Pour autant, pour ne céder sur aucun des deux terrains, les parents indiquent aux enfants qu’ils sont prêts à écouter leurs questions… mais au moment opportun ! Ainsi, quand l’enfant pose des questions pertinentes à l’instant où vous mettez le doigt sur l’interrupteur, rassurez-le en lui promettant une réponse le lendemain au petit-déjeuner.
Faire respecter les règles de la maison
Par ailleurs, il arrive aussi que les enfants cherchent à remettre en question vos règles. Ils demandent constamment pourquoi eux doivent se coucher et pas vous. Pourquoi le chien a droit de boire dans une gamelle et pas lui, ainsi de suite… Vous n’avez pas à argumenter le bien fondé d’une règle. La règle est conçue pour donner un cadre fixe, des limites qui représentent aussi celles que les adultes doivent respecter pour vivre librement.
Discuter sans fin des règles n’aboutit à rien, si ce n’est une perte de temps. Une fois que vous avez expliqué que traverser sans donner la main constitue un danger, vous n’avez plus à justifier l’exercice de votre autorité en la matière. Si votre enfant a tendance à vous pousser à vous justifier sans cesse, ne cédez pas et orientez-le vers d’autres questions. Vous pouvez par exemple lui proposer une boite dans laquelle glisser ses questions (que vous écrirez pour lui). À vous de définir un moment précis pour y répondre. Comme c’est vous qui rédigez à sa place, vous aurez un peu d’avance pour vous informer et peaufiner vos réponses ! Et vous aurez désamorcé une situation de conflit, notamment pendant la période d’opposition qui recoupe celle des « pourquoi », entre 2 et 5 ans.
Répondre (aussi) aux “pourquoi” embarrassants des enfants
Toutes les questions d’enfants ne tournent pas autour des sciences et de la géographie. Et c’est bien normal ! L’enfant s’interroge sur son anatomie, sur le fonctionnement de son corps. Il repère les similitudes et les différences d’une personne à l’autre. La rue est pour lui un formidable observatoire du monde. Et il n’est pas rare de devoir répondre à des questions sur l’apparence des personnes : pourquoi il a les cheveux roses ? Pourquoi elle n’a qu’un seul bras ? Pourquoi la dame a des vêtements sales ?
Lorsque ces questions sont posées à voix haute, elles mettent souvent les parents dans l’embarras. Il faut alors trouver un juste milieu entre des explications plausibles et un respect des personnes. Les enfants ont besoin d’entendre que les adultes ont droit de se teindre les cheveux dans la couleur de leur choix. C’est rassurant de savoir que cette liberté existe ! Par ailleurs, ils découvrent aussi la notion de différence et de diversité. Notamment le handicap et la pauvreté n’échappent pas à leur sagacité. Bien souvent, les enfants ont de l’empathie pour les personnes en difficulté, tout en éprouvant la crainte de vivre des situations similaires. En grandissant, ils pourront apprendre comment agir pour secourir et aider s’ils le souhaitent.
Face aux sujets délicats, des mots simples et neutres permettent de tempérer la charge émotionnelle. L’objectif est d’approcher la vérité sans heurter la sensibilité des enfants. Il en va de même des questions intimes impliquant le corps, ainsi que les sentiments. Digestion, maladies, deuil, aucune question n’est tabou et l’enfant reçoit des informations adaptées à son âge.
Pour conclure, il est bon de répondre à toutes les questions des enfants, en choisissant toutefois le moment le plus propice. Une réponse courte et adaptée à l’âge de l’enfant vaut mieux qu’un long discours. En outre, le questionnement de l’enfant ne doit pas remettre en question les règles instituées. Par ailleurs, si on ignore la réponse ou qu’on a du mal à trouver les mots adéquats pour aborder un sujet sensible, mieux vaut verbaliser sa propre difficulté. De plus, il est toujours possible de se renseigner ou, pourquoi pas, de déléguer le traitement de certaines questions à des proches ou à des professionnels. La période du pourquoi est fondamentale au développement cognitif et linguistique de l’enfant et mérite toute l’attention des adultes.
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