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Créer le dialogue avec son enfant à partir d’une histoire

lecture et dialogue en famille ©Canva

Même s’il n’est nullement question d’instrumentaliser la littérature de jeunesse, parents et enfants peuvent néanmoins s’appuyer sur sa richesse pour instaurer le dialogue. D’ailleurs les éditeurs présentent souvent leur catalogue par thématique pour répondre à cette demande. En particulier les ouvrages destinés aux plus jeunes abordent les découvertes et tracas du quotidien (propreté, sommeil, autonomie…). L’identification de l’enfant aux personnages et situations des histoires qu’il écoute permet souvent une dédramatisation des étapes du développement des tout-petits. Ce processus est possible grâce à la mise en mots et la contextualisation des intrigues. Pour les enfants un peu plus grands, les histoires constituent un formidable réservoir d’expériences imaginaires. Alors, comment mettre en valeur ce matériau et en faire le ciment pour aider son enfant à se construire ? Souvent la médiation de l’adulte par le dialogue amène l’enfant à se saisir d’un mille-feuille de sens pour forger sa propre interprétation de l’histoire.

Diversité de lecteurs, diversité de lectures : l’exemple du conte

Conte initiatique et dialogue autour de l’autonomie de l’enfant

En littérature, on étudie les théories de la réception pour tenter de comprendre comment une oeuvre est interprétée par son lecteur. Lorsqu’il s’agit de littérature jeunesse, le lecteur est souvent double puisque l’adulte prend en charge le texte tandis que l’enfant le reçoit. Et bien en entendu, il n’y a pas une seule façon de percevoir une histoire, mais autant que de situations de lecture. Tout d’abord, la société et le contexte socio-historique influencent la réception d’un texte. Il peut être en phase ou en rupture avec son temps, conforter ou bousculer les mentalités. On peut le voir à travers les contes notamment. Ainsi la version optimiste du Petit Chaperon rouge par les frères Grimm a été finalement préférée à celle de Perrault. De ce fait, la lecture qu’on en donne est radicalement différente et la réflexion qui en découle aussi.

Bien que ce conte ait une portée incontestablement édifiante, il revient à chacun d’en tirer sa propre morale. Pour aborder la peur du loup, des monstres, des méchants etc. peu importe la version. Car ce qui compte c’est la fonction d’avertissement du conte. Comment agir ou réagir face à l’imprévu et au danger dans un contexte d’autonomisation de l’enfant ? Finalement, le Petit Chaperon rouge est confronté à cette problématique universelle. Ce conte montre qu’il faut être suffisamment préparé pour affronter la réalité. Ainsi, l’enfant y trouvera écho dans son quotidien. Notamment quand il commence à effectuer des tâches en autonomie, comme couper sa nourriture ou aller chercher le pain. Il y a toujours un part de risque dans la liberté. Et la peur agit comme une mise en garde nécessaire qui arrive bien trop tard pour le Chaperon.

dialogue autour des contes de la maison ronde

À ce titre, la version de Joël Pommerat mise en musique dans les Contes de la Maison ronde (podcast de France Musique), insiste sur le dialogue générationnel. À la fin, le récitant, Elie Semoun, relève la nécessité de poursuivre la chaîne de transmission. Il invite les enfants à raconter l’histoire du Petit Chaperon rouge, pour que les générations futures soient elles-aussi averties.

Devenir le héros de sa propre histoire : la clôture du conte permet à l’enfant d’imaginer son futur

Il est intéressant de proposer à l’enfant un ensemble diversifié de contes. Il a ainsi l’occasion d’expérimenter la multiplicité et parfois la duplicité du monde à travers divers exemples. À un moment de son développement, de son histoire, en fonction de ses interrogations, de ses besoins affectifs et cognitifs, une histoire conviendra mieux qu’une autre. Et il aura aussi besoin de lire ou d’écouter plusieurs fois la même histoire pour en apprécier toutes les subtilités et sous-textes. Ainsi, Le Vilain Petit Canard aborde la question de la différence, du manque d’estime de soi, du harcèlement. Mais il traite aussi du pouvoir de résilience et de l’espoir en un temps et un lieu meilleurs. La métaphore de l’envol à la fin du conte aide les enfants à se projeter dans un futur où ils auront forgé leur propre place.

En effet, le conte reprend souvent le même schéma narratif. Celui-ci démarre d’une situation initiale où le héros est enfant pour aboutir à l’âge adulte. En quelques paragraphes seulement, le héros traverse son enfance. Il franchit des épreuves qui le conduisent à prendre en main son destin. Arrivé au bout des péripéties, le héros accède à un statut égal à celui de ses parents ou des autres adultes. Ainsi en est-il d’Ivan Tsarévitch qui parvient à épouser Hélène-La- Belle et à chasser ses deux frères félons dans l’Oiseau de feu.

En tant que parent et éducateur, on peut s’appuyer sur les contes pour laisser entrevoir aux enfants un avenir de possibles. Et leur redonner confiance en leur capacité à surmonter les épreuves de la vie. En choisissant l’histoire adaptée, l’adulte initie un dialogue salvateur entre l’enfant et l’oeuvre. Il peut y prendre part ou non, en fonction des situations de lecture.

Fonder le dialogue sur le partage : la lecture parent/enfant

La situation de lecture – silencieuse, à voix haute, en écoute numérique, en journée ou au moment du coucher – influence sa perception et son interprétation. Encore une fois, varier les conditions de lecture permet d’explorer différents axes interprétatifs. Même lorsque l’enfant sait lire et qu’il a l’habitude de lire tout seul, la lecture partagée à voix haute conserve tous ses avantages. C’est avant tout un moment de partage, propice à la discussion. De ce point de vue, chaque parent a sa façon bien à lui de vivre ce moment. Certains aiment lire l’histoire sans s’interrompre, d’autres commentent ou questionnent leurs enfants. Quoiqu’il en soit, la lecture est un moment de communication. Il peut être agrémenté ou suivi d’un dialogue avec son enfant.

L’importance de la voix dans la lecture partagée enfant/adulte

En effet, les modulations de la voix, le ton et les émotions que l’on fait passer volontairement ou non en lisant instaurent déjà un dialogue. Celui qui se tisse entre le narrateur et le lecteur/auditeur. De même, quand l’enfant choisit d’écouter la version audio d’une histoire, il opte aussi pour une façon de narrer qui lui convient. Parfois le texte semble lu de manière assez neutre, d’autre fois les intonations adoptent un style plus dynamique et expressif.

Dans toutes ces façons de lire et d’interpréter un texte, il n’y en a pas une meilleure que l’autre. Il y a celle qui correspond aux attentes explicites et implicites de l’enfant. Un style neutre lui laissera toute la latitude pour imaginer les personnages et les événements de l’histoire. Tandis qu’un jeu plus expressif l’impliquera davantage dans le moment présent. Cet angle emprunte d’ailleurs souvent l’humour et le contraste pour animer des histoires dont on attend la chute avec impatience. Comme dans Bouboule la poule trop cool où on se demande si la famille va finir par manger le gallinacé.

Enfin, le timbre de la voix, élément de reconnaissance qui remonte à la vie intra-utérine, constitue un facteur de réassurance, un rituel pour entrer dans le monde. Voix des parents ou voix de comédiens, les histoires s’incarnent à travers elles et deviennent même indissociables des personnages. Ainsi en va-t-il des voix de Denis Cheissoux (narrateur) et de Brigitte Lecordier (voix des animaux) du podcast Bestioles. Tout en étant un documentaire conçu en partenariat avec le Muséum national d’histoire naturelle, cette série audio jeunesse, raconte les aventures de Denis à la rencontre des animaux dans leur milieu naturel. Il en découle un dialogue toujours insolite où Denis laisse l’animal raconter son quotidien pour se nourrir, se reproduire et se protéger.

dialogue à partir du podcast Bestioles

Dans un genre humoristique décalé, Le Confin des contes, écrit et raconté par Nicolas Turon, sait capter l’attention sur des sujets graves. Cela peut être l’occasion de parler de la mort, de la maladie, de la dépression, mais toujours à niveau d’enfant.

Instaurer un dialogue autour des émotions

Bien sûr quand il s’agit d’un documentaire, l’adulte pourra répondre aux questions de l’enfant concernant des détails évoqués. Ce sera l’occasion de passer à la bibliothèque emprunter des livres pour compléter ses découvertes. Mais au-delà de la connaissance du monde, les documentaires et les histoires visent à montrer la pluralité des émotions. Celles des animaux et de l’humanité. Et celles de nos enfants en particulier avec lesquels nous partageons aussi les nôtres. Sur le chemin de l’école, au moment du bain ou du dîner, des questions émergent, des joies, beaucoup, des craintes aussi. Comprendre que l’alternance des émotions fait le sel de nos vies et que c’est en les maitrisant que nous arrivons à nous construire. Imaginer des solutions pour affronter ses peurs, pour surmonter sa colère ou encore canaliser son énergie pour respecter les autres. Autant de problématiques liées aux émotions que nous devons gérer au quotidien.

Bien souvent les histoires nous aident à appréhender les limites du monde, à nous y confronter sans nous blesser, à y puiser des idées, des solutions pour nous adapter sans nous renier. Quand nous lisons une histoire à un enfant, nous avons tout cela en tête. Et le texte a aussi ses logiques propres qui peuvent nous éloigner de nos buts initiaux.

Mario Ramos, Au lit petit monstre, Pastel, Ecole des loisirs

Prenez par exemple cet hilarant album de Mario Ramos, Au lit, petit monstre ! Vous pensez le lire à votre enfant pour lui faire comprendre qu’il doit aller se coucher gentiment le soir ? Bien tenté ! Mais la chute vous transforme en monstre à votre tour. Une pirouette pour dédramatiser les rôles de l’adulte injonctif et de l’enfant obéissant. Dans ce rapport de force entre le papa et son enfant, il y a surtout le décalage et l’humour nécessaires pour faire confiance à l’intelligence des protagonistes. Ceux-ci finalement jouent et apprécient le rituel auquel ils s’adonnent. L’auteur nous envoie ici un clin d’oeil amusé aux relations parents/enfants, pleines d’affection et de contradictions.

Le rôle des personnages dans l’identification du lecteur/auditeur enfant

Des héros à plumes et à poils pour initier le dialogue autour des émotions

Reprenons l’exemple du podcast animalier. La proximité avec les animaux qui ressort de l’interprétation du dialogue humain/animal sensibilise les plus jeunes à la préservation de la faune. Mais elle leur permet aussi de partager leurs craintes par empathie. La peur de la dévoration, présente dans de nombreux contes, et du prédateur en général, font partie de l’inconscient enfantin. Et toutes les histoires qui mettent en scène des poursuites ou des menaces les font vivre par procuration. Par exemple, dans la série Bestioles, la souris a peur du chat, le pou des produits sanitaires, l’orang-outan des chasseurs etc. Tout comme l’humain craint depuis la nuit des temps d’être attaqué par une bête féroce ou par une horde ennemie.

Petit ours brun à écouter sur enceinte

De fait, les histoires montrent à leur lecteurs et auditeurs l’universalité des problématiques et émotions humaines. Chez le jeune enfant en quête d’identité, le recours au héros animal permet d’exprimer moins frontalement des sentiments confus, difficiles à énoncer. Le lecteur ou auditeur entre facilement en empathie avec un être qui lui est étranger du fait de sa nature même. En faisant appel à l’imaginaire, les mondes anthropomorphiques comme celui de Petit Ours Brun ou encore de Babar, de Nino Dino ou mademoiselle Scarabée autorisent une grande diversité de projections.

Les héros enfants : faire dialoguer réel et imaginaire

Dans un autre registre, les histoires qui mettent en scène des héros enfants convoquent le principe de réalisme. Tout concourt à faire « vrai », alors que l’intrigue est inventée par son auteur. L’effet miroir du personnage vis-à-vis du lecteur est complet. Mais, tout comme la Alice de Lewis Carol explore l’autre côté du miroir, l’enfant explore d’autres réalités pour y puiser ses propres références. Elles lui servent de modèle et contribuent à son développement psycho-affectif.

Ainsi le podcast Une histoire et Oli fait la part belle aux personnages enfantins. La narration se place toujours à hauteur d’enfant. Celui-ci doit souvent résoudre un dilemme, trouver une ou des solutions à ses problèmes, tout comme nos propres enfants au quotidien. Toutoune affirme son goût pour les jeux de garçon face à Constantin. Le petit chevalier prouve sa bravoure malgré sa petite taille. Jean-Bébé doit assumer son drôle de nom pour se faire apprécier de ses amis. Rainette comprend qu’elle doit se laver pour elle et non pour sa mère. Les histoires accompagnent les enfants dans leur quête d’autonomie et de connaissance de soi. Elles les aident à développer leurs compétences psycho-affectives pour trouver leur place dans la société.

Une histoire et Oli podcast enfants France Inter

Prolonger le dialogue avec son enfant en dehors des temps d’écoute d’une histoire

Par ailleurs, les effets d’une histoire peuvent se produire en différé. Votre enfant ou vous-mêmes pouvez y repenser après coup ou convoquer un personnage à un moment opportun. En effet, les meilleures histoires sont souvent celles dont on garde longtemps le souvenir. Celles qui nous font réfléchir. Celles dont on comprend la portée quelques semaines ou mois plus tard. Parfois aussi celles qu’on n’avait pas aimées et qui prennent un sens inédit après une nouvelle expérience. Tout cela fait partie des possibles prolongements d’une lecture littéraire. Et le dialogue y occupe une place de choix en tant que source de réduction des conflits externes et internes.

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La gazette de Merlin

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