Enseignante, blogueuse éducation et passionnée de littérature jeunesse, Lauriane a pour leitmotiv la pédagogie active, notamment par le théâtre, et la lecture pour tous. Retrouver tous ses articles
La diversification alimentaire est une étape importante dans la vie de bébé et soulève souvent de nombreuses questions pour les parents. Traditionnellement, on commence par les purées lisses et les compotes à la cuillère. Mais depuis quelques années, une autre approche séduit de plus en plus de familles : la diversification menée par l’enfant (DME). Cette méthode, venue des pays anglo-saxons, propose de laisser bébé découvrir directement les aliments sous leur forme solide. Concrètement, l’enfant choisit, explore, porte les aliments à sa bouche et apprend à manger par lui-même. Une méthode intuitive qui semble naturelle, mais qui peut aussi inquiéter en termes de sécurité et de santé. Chez Merlin, on a eu envie d’explorer cette nouvelle tendance de la DME pour en cerner les avantages et les limites. Qu’est-ce que la DME ? À quel âge commencer, quelles erreurs éviter et comment veiller à l’équilibre alimentaire des tout-petits ? Prêts à déguster ces morceaux choisis ?
Qu’est-ce que la DME ?
La diversification menée par l’enfant (DME) est une approche de l’alimentation qui consiste à laisser bébé découvrir et manger par lui-même des aliments solides, adaptés à son âge et à ses capacités. Concrètement, au lieu de proposer des purées lisses à la cuillère, les parents présentent des morceaux fondants ou faciles à attraper, que l’enfant peut porter à sa bouche, mâcher et avaler selon son rythme.
Les origines de la DME
Cette méthode est apparue dans les pays anglo-saxons sous le nom de « Baby-Led Weaning », littéralement « sevrage dirigé par le bébé ». Elle a gagné en popularité dans les années 2000 grâce aux travaux de la consultante en santé infantile Gill Rapley. Elle a montré que les bébés, lorsqu’ils en ont la possibilité, sont capables d’explorer la nourriture de façon autonome et sécurisée.
La DME se distingue ainsi de la diversification « classique » à base de purées lisses et de nourrissage à la cuillère. Avec la DME, l’enfant devient acteur de son repas : il touche, goûte, mâche et choisit la quantité qu’il souhaite manger. Cette méthode mise sur l’autonomie, la découverte sensorielle et la confiance dans ses capacités naturelles.
Les avantages de la DME
Si la diversification menée par l’enfant séduit de plus en plus de familles, c’est parce qu’elle présente de nombreux bénéfices, aussi bien pour le bébé que pour les parents.
Développement de l’autonomie et bonne santé mentale
Avec la DME, le bébé devient acteur de son repas dès ses premiers mois en choisissant les aliments qu’il veut goûter. Il est à l’écoute de ses sensations de faim et de satiété. Cette autonomie à table contribue à développer son indépendance dans d’autres domaines de sa vie quotidienne. Mais elle favorise aussi un rapport sain avec la nourriture dénué d’interdit ou de récompense. Pour rappel, « les troubles des conduites alimentaires (TCA) touchent près d’un million de personnes en France, en particulier de jeunes adolescentes et constituent la 2e cause de mortalité prématurée chez les 15-24 ans, juste après les accidents de la route, selon l’Assurance Maladie. » (CHU de Lyon). Une éducation alimentaire précoce et une vigilance accrue face aux modèles de maigreur véhiculés dans les médias pourraient prémunir certains jeunes des TCA. La DME repose sur un rapport sain à la nourriture et agit préventivement contre les TCA.
Découverte sensorielle et motricité fine
Attraper un morceau de carotte cuite, écraser un petit bout de banane entre ses doigts, explorer la texture d’un brocoli… chaque repas devient une expérience sensorielle complète. Bébé découvre les couleurs, les odeurs, les textures et les saveurs des aliments sous leur forme naturelle.
De plus, manipuler des morceaux développe sa motricité fine et sa coordination main-bouche, des compétences essentielles pour son développement global.
Meilleure acceptation des aliments à long terme
Les enfants qui expérimentent la DME sont souvent plus ouverts à goûter une grande variété d’aliments. En découvrant tôt différentes saveurs et textures, ils ont moins de risques de devenir sélectifs ou « difficiles » à table. Cette familiarisation progressive favorise des habitudes alimentaires équilibrées et durables. De plus, concernant les allergies alimentaires infantiles, « les parents sont invités désormais à introduire les aliments dits allergènes en même temps que les autres aliments, dès l’âge de 4 mois » (INRAE).
En effet, de récentes études ont montré « un surrisque d’allergie alimentaire lié au retard d’introduction des allergènes majeurs ». La liste comprend 14 allergènes à déclaration obligatoire : céréales avec gluten, crustacées, œufs, arachides, poissons, soja, lait, fruits à coque, céleri, moutarde, graines de sésame, anhydride sulfureux, lupin, mollusques).
Repas familiaux plus harmonieux
Un autre avantage majeur de la DME est la convivialité : bébé mange les mêmes aliments que le reste de la famille (adaptés à ses capacités bien sûr). Plus besoin de préparer un repas séparé ! Cela facilite l’organisation familiale et permet à toute la famille de partager un moment de repas ensemble, dans une ambiance plus sereine.
Les limites et points de vigilance
Comme toute approche éducative ou alimentaire, la diversification menée par l’enfant a aussi ses contraintes. Les connaître permet d’aborder la DME plus sereinement et d’éviter les mauvaises surprises.
Risques de fausse route : une inquiétude fréquente
L’une des plus grandes craintes des parents concerne le risque d’étouffement. En réalité, si les règles de sécurité sont respectées (attendre que l’enfant tienne bien assis, proposer des aliments adaptés en taille et en texture, toujours rester à côté de lui), ce risque est très limité.
Il est aussi important de distinguer le gag reflex d’une réelle fausse route. « Si votre bébé a un haut-le-cœur en mangeant, c’est parce que son corps a le bon réflexe qui le protège des étouffements. Le réflexe nauséeux (gag reflex en anglais) survient quand les aliments avancent un peu trop loin sur sa langue, [ce réflexe leur permet] de revenir vers l’avant. » (Naitre et grandir). Il se manifeste quelle que soit la méthode de diversification alimentaire et fait partie du développement normal de l’enfant.
De fait, la DME demande une attention particulière, surtout lors des premières semaines. Contrairement à une purée donnée à la cuillère, il faut rester très attentif pendant que bébé explore ses morceaux. Cela peut être un peu stressant au début, mais la confiance s’installe rapidement avec l’expérience.
Maturité du système digestif
Introduisez toujours des petites quantités pour tester un nouvel aliment et vérifiez les selles. Si l’aliment apparaît non digéré c’est que les intestins de votre bébé ne sont pas encore prêts à l’assimiler correctement. Cela peut être le cas avec les légumes secs (lentilles, petits pois, pois chiches…) dont on recommandait il y a peu de ne pas les présenter avant 15/18 mois. N’oubliez pas que l’idée est de faire découvrir des textures, des goûts et d’habituer progressivement votre bébé à digérer toutes sortes d’aliments.
Désordre et gaspillage à anticiper
Une des grandes différences avec la diversification à la cuillère réside dans la propreté de la zone de repas ! Avec la DME, les aliments sont touchés, écrasés, parfois jetés par terre. Cela fait partie du processus d’apprentissage, mais il faut s’y préparer. Un bavoir à manches longues, une petite nappe cirée sous la chaise haute ou un chien glouton à proximité peuvent aider !
Côté gaspillage, il est fréquent que bébé joue plus qu’il ne mange au départ, mais rassurez-vous : cela s’équilibre avec le temps.
À quel âge commencer la DME ?
La DME ne peut pas être mise en place à n’importe quel moment. Le bébé doit avoir acquis certaines compétences pour manger en sécurité et profiter pleinement de cette expérience.
La plupart des spécialistes s’accordent pour dire que la DME peut commencer à partir de 6 mois environ. Avant cet âge, le système digestif, la coordination et la motricité de bébé ne sont pas encore prêts à gérer des aliments solides.
Plutôt que de se baser uniquement sur l’âge, il est essentiel d’observer certains signaux de maturité :
- Bébé sait tenir assis sans soutien ou avec un appui minimal.
- Il manifeste un intérêt pour la nourriture. Vous constatez qu’il regarde vos assiettes, tend la main et ouvre la bouche quand vous mangez.
- Il est capable de porter des objets à sa bouche et de les manipuler.
- Il a perdu le réflexe d’extrusion. Cela signifie qu’il ne pousse plus automatiquement les aliments hors de sa bouche avec sa langue.
Certains bébés sont prêts un peu avant 6 mois, d’autres plus tard : chaque enfant avance à son propre rythme. Si les signes ne sont pas encore réunis, mieux vaut attendre plutôt que de forcer. L’important est de respecter son développement et d’introduire la DME dans un cadre sécurisant.
Comment bien démarrer la DME ?
Se lancer dans la diversification menée par l’enfant peut sembler impressionnant au début, mais avec quelques règles simples, l’expérience devient sécurisante et agréable pour toute la famille.
Choisir les bons aliments pour débuter
Au commencement, privilégiez des aliments :
- Tendres et faciles à mâcher : légumes cuits vapeur (carottes, courgettes, brocoli, patate douce), et des fruits mûrs (banane, poire, avocat).
- Présentés en morceaux adaptés : en bâtonnets ou en gros morceaux que bébé peut attraper avec sa main. Les bâtonnets doivent être assez mous pour s’écraser facilement entre vos doigts.
- Sans sel ni sucre ajoutés : pour préserver la santé et le goût naturel des aliments.
Exemples de premiers repas en DME
Quelques idées simples pour débuter :
- Bâtonnets de patate douce cuite au four
- Fleurons de brocoli vapeur
- Quartiers de banane bien mûre
- Morceaux de poire fondante
- Petites lamelles d’omelette
Ces aliments sont nourrissants, faciles à manipuler et rassurants pour un premier contact.
Au fil des semaines, vous pourrez introduire :
- De nouvelles textures (riz et pâtes bien cuites, morceaux de viande tendre).
- De nouvelles saveurs (poisson, œuf, légumineuses).
- Des repas plus variés, en partageant progressivement ce que mange la famille.
Chaque bébé avance à son rythme : certains mangeront rapidement avec entrain, d’autres prendront plus de temps pour explorer. L’essentiel est de proposer sans forcer.
S’installer dans un environnement sécurisé
Pour que bébé se sente à l’aise et vous aussi, sa sécurité est primordiale :
- Installez bébé dans une chaise haute stable, dos bien droit et pieds posés (si possible).
- Restez toujours à côté de lui lorsqu’il mange.
- Évitez les distractions (télévision, jouets) pour qu’il se concentre sur son repas.
- Mangez en famille afin que votre bébé trouve son rythme et sa place dans un cadre convivial et instructif ! Il pourra vous observer manger, repérer les couleurs et formes des aliments, sentir les odeurs des plats etc. Un bon moyen de l’inciter à l’autonomie et de lui donner envie de faire comme un grand.
Les erreurs à éviter en DME
Quelques règles permettent d’éviter les erreurs les plus fréquentes lors de la diversification alimentaire menée par l’enfant :
- Ne pas donner d’aliments trop petits ou durs comme des raisins entiers, des cacahuètes, des morceaux crus difficiles à mâcher.
- Ne jamais forcer l’enfant à manger : seul l’enfant connait ses capacités et ses limites. Le but de la DME est justement de lui donner le loisir d’explorer ses propres habiletés et son appétit. Si votre enfant refuse, il peut y avoir de multiples raisons, toutes valables, comme la satiété, le dégoût, une gêne due à un virus. Les très jeunes enfants construisent leur immunité en passant par de nombreux épisodes infectieux affectant l’odorat et le goût (nez bouché, affections respiratoires, gastro-entérites…). Il est normal que les enfants malades n’aient pas d’appétit et mangent peu. Une fois guéris, ils rattrapent souvent leur « retard alimentaire » par un regain d’appétit auquel il faut répondre. Il s’agira le plus souvent d’augmenter la ration de féculents et laitages.
- Comparer son enfant aux autres. Chaque enfant mange à son rythme et développe une appétence plus ou moins prononcée pour certaines catégories d’aliments. L’essentiel est de toujours veiller à ce qu’il dispose de tous les nutriments nécessaires à son bon développement.
DME et équilibre alimentaire
L’un des questionnements les plus fréquents autour de la diversification menée par l’enfant est : Mon bébé reçoit-il vraiment tout ce dont il a besoin pour bien grandir ? La DME peut tout à fait couvrir ses besoins nutritionnels, à condition de garder quelques principes en tête.
S’assurer que bébé reçoit assez de nutriments
Veillez plus particulièrement à ce que votre enfant consomme suffisamment ces nutriments :
- Le fer : c’est le nutriment le plus important à surveiller dès 6 mois, car les réserves présentes à la naissance commencent à s’épuiser. On le trouve dans la viande tendre (bœuf, agneau, poulet), le poisson, les légumineuses (lentilles, pois chiches) et certains légumes verts.
- Les protéines : elles sont indispensables à la croissance. On peut proposer de la viande, du poisson, des œufs ou des légumineuses.
- Les vitamines : la vitamine C (fruits, légumes crus ou cuits vapeur) aide à mieux absorber le fer, tandis que la vitamine D (souvent en supplémentation) reste essentielle.
- Les bons gras : avocat, huile de colza ou d’olive, poisson gras (saumon, sardine) participent au développement du cerveau et du système nerveux.
Exemples de repas équilibrés adaptés à la DME
Un repas peut rester simple tout en couvrant les besoins de bébé. Par exemple (sans compter l’apport en lait ou laitages) :
- Déjeuner : bâtonnets de patate douce rôtie + lamelles de poulet tendre + quartiers de poire.
- Dîner : brocoli vapeur + petites boulettes de lentilles aux herbes + quartier de clémentine (sans peau blanche épaisse).
- Collation : morceaux de banane + un peu de pain complet légèrement grillé avec purée d’avocat.
L’idée est de toujours varier les groupes alimentaires pour offrir une alimentation complète et appétissante. Pour rappel, entre 6 et 12 mois l’enfant a toujours besoin d’une grande quantité de lait à répartir dans la journée. Au total, ce sont « 500 à 800 ml de lait maternel ou 2ème âge et de produits laitiers [sachant qu’un yaourt ou 15 grammes de gruyère équivalent à 100 ou 120 ml de lait] »(santé.fr).
Continuer à proposer différents groupes d’aliments
Au début de la DME, le bébé mange assez peu. C’est normal car il focalise aussi son attention sur l’exploration, le jeu et l’apprentissage. Pour être certain qu’il essaye tous les aliments bons pour sa santé, proposez-lui régulièrement des :
- Légumes et fruits variés,
- Sources de protéines,
- Féculents (pâtes, riz, patates, pain),
- Matières grasses de qualité
Ainsi, il accède à une palette nutritionnelle riche. Et même si certains repas sont moins « complets », l’équilibre se construit sur plusieurs jours.
Questions fréquentes des parents sur la DME
La DME suscite souvent de nombreuses interrogations, surtout lorsqu’on débute. Voici quelques réponses aux questions les plus fréquentes pour vous rassurer.
« Mon bébé ne mange presque rien, est-ce normal ? »
Oui, c’est tout à fait normal. Au début, la DME est avant tout une découverte sensorielle : bébé touche, explore, porte à la bouche… mais avale peu. Le lait (maternel ou infantile) reste son aliment principal jusqu’à 12 mois environ. Petit à petit, la quantité d’aliments solides augmentera naturellement.
« Est-ce dangereux pour la sécurité ? »
La crainte d’étouffement est courante. En respectant les règles de sécurité (attendre que bébé tienne assis, proposer des morceaux adaptés, rester toujours à côté de lui), la DME n’est pas plus risquée que la diversification classique. Le réflexe de haut-le-cœur est d’ailleurs un mécanisme de protection normal et fréquent.
« Et si mon entourage est contre la DME ? »
Beaucoup de grands-parents ou de proches peuvent être surpris, car cette méthode est encore peu connue en France. N’hésitez pas à expliquer vos choix, montrer des sources fiables ou proposer de les observer lors d’un repas. La confiance s’installe souvent en voyant que bébé se débrouille très bien.
« Doit-on abandonner complètement les purées ? »
Pas forcément. La DME n’est pas une méthode « exclusive ». Vous pouvez très bien alterner morceaux et purées selon les repas, ou bien selon le contexte (par exemple, la purée est pratique en sortie). L’essentiel est de respecter la curiosité et le rythme de bébé.
Ressources utiles pour accompagner la DME
Le ministère de la santé propose des repères pour l’alimentation des enfants que vous pouvez consulter en ligne. De même, pour vous aider à mieux connaître les valeurs nutritionnelles des aliments, vous pouvez consulter la banque de données officielle de l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) : ciqual.anses.fr.
Enfin, vous pouvez piocher dans cette liste d’ouvrages spécialisés :
- Christelle Courrège et Fanny Abadjian, Mon bébé commence la DME, Albin Michel, 2022
- Aurélie Mantault, La DME : le guide complet de la diversification alimentaire menée par l’enfant, Hachette, 2021
- Lucie Darjo, L’atelier DME, First, 2021
- Christine Zalejski, Le Grand livre de la DME : la diversification menée par l’enfant pas à pas, Thierry Souccar, 2020
La diversification menée par l’enfant est une approche qui séduit de plus en plus de familles pour ses nombreux atouts : autonomie, découverte sensorielle, repas partagés… Comme toute méthode, elle demande un peu de patience, de vigilance et d’organisation, mais elle peut offrir une expérience très positive à toute la famille.
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